Chronique littéraire #1 : La chance que tu as, Denis Michelis

By Raphaël - septembre 13, 2018


Titre : La chance que tu as
Auteur : Denis Michelis
Éditeur : Stock
Genre : Roman

« Ici au moins, il est au chaud.
Ici au moins, il est payé, nourri, blanchi.
Ici au moins, il a du travail.
L’enfermement le fait souffrir certes, mais pense un peu à tous ceux qui souffrent vraiment.
Ceux qui n’ont plus rien.
Alors que toi, tu as une situation et un toit où dormir, ça n’est pas rien tu sais.
Et tu oses te plaindre. »


Cet article datant de 2014 a été publié sur un autre blog. En accord avec le projet Circum Circa, j'ai décidé de le republier ici.

Vagabondant dans les allées de la Fnac, je suis tombé nez-à-nez sur ce livre entièrement vert. J'ai lu la quatrième de couverture et, intrigué par l'histoire, l'ai acheté. Ma première critique littéraire est ainsi consacrée à La chance que tu as. Denis Michelis, journaliste pour la chaîne Franco-Allemande, Arte et traducteur signe ici un premier roman grinçant, dérangeant mais non moins passionnant. 

Publié aux éditions Stock dans la collection La Forêt, ce livre, bref et incisif (150 pages), est un mélange littéraire entre les genres du conte et du roman. L’auteur narre l’histoire d’un homme certainement âgé d’une vingtaine d’années, sans prénom et sans histoire. Ce dernier est engagé comme serveur dans un restaurant isolé et mystérieux. Ce premier roman est en réalité une critique acerbe du monde du travail.

On ne ressort pas indemne de la lecture de cet ouvrage. Les cent cinquante pages de ce roman signent la longue descente aux enfers de ce personnage désarmé et dépassé par un monde qu’il ne comprend pas. A mi-chemin entre le roman et le conte, cet ouvrage est addictif, intense. Les chapitres sont courts et s’enchaînent à tel point que l’on ne peut s'empêcher de tourner les pages et de prolonger l'expérience de lecture.

Cette descente aux enfers se déroule à la manière de "Dans l'antre du roi de la montagne" d'Edvard Grieg à savoir crescendo. La méchanceté des protagonistes est à chaque chapitre plus vive et le personnage se trouve finalement confronté à des monstres. Ce dernier se trouve rapidement prisonnier d’un monde dans lequel les maîtres mots sont humiliation et torture psychologique. Il ne peut se libérer dans la mesure où, doté d'une personnalité imperceptible, il reste stoïque et animé par la volonté de ne pas décevoir ses bourreaux. L'auteur laisse transparaître une société dans laquelle la méchanceté est devenue chose commune et où l'indifférence est de mise.

Pour conclure ce livre m’a beaucoup plu. Entre le conte et le roman, il nous plonge dans un univers à la fois étrange, dérangeant et éminemment réel. N’y voyez pas là un roman violent mais plutôt la longue désescalade d’un personnage certes imperceptible mais que l’auteur parvient à rendre attachant. C’est donc un sentiment de compassion que le lecteur ressent à l’égard de ce jeune homme. Je vous conseille donc vivement la lecture de cet ouvrage et vous informe que son auteur a publié un deuxième roman intitulé Le bon fils en 2016 (Editions noir sur blanc).

La phrase du livre : "Un chat est assis sur l'une des marches, un chat blanc avec un col gris anthracite, un chat dont on imagine tous les muscles, un chat pharaon, se dit-il, d'une grande beauté, d'une beauté arrogante, il a presque envie de courber l'échine, il se sent tout chose devant tant de majesté."

Raphaël

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