Chronique littéraire #2 : Appelle-moi par ton nom, André Aciman
By Raphaël - septembre 20, 2018
Titre : Appelle-moi par ton nom
Auteur : André Aciman
Éditeur : Grasset
Genre : Romance
Quinze ans plus tard, Elio rend visite à Oliver en Nouvelle-Angleterre. Il est nerveux à l’idée de rencontrer la femme et les enfants de ce dernier, mais les deux hommes comprennent finalement que la mémoire transforme tout, même l’histoire d’un premier grand amour. Quelques années plus tard, ils se rendent ensemble à la maison en Italie où ils se sont aimés et évoquent la mémoire du père d’Elio, décédé depuis. »
Brillamment adapté au cinéma par le réalisateur italien Luca Guadagnino, Appelle-moi par ton nom – Call me by your name en version originale –, publié aux éditions Grasset, est un ouvrage prenant et émouvant. L’auteur nous transporte en Ligurie, dans le nord de l'Italie, dans les années 1980. Elio est un jeune homme de 17 ans dont le père est professeur de littérature à l’Université. Chaque année, ce dernier invite un doctorant passer quelques semaines dans sa villa italienne en vue de l’aider dans ses travaux. Le nouvel arrivant s’appelle Oliver. C’est un brillant étudiant en provenance de la Nouvelle-Angleterre. Sa thèse porte sur la philosophie présocratique. Au cours de l'été, une relation va naître entre Elio et Oliver. Les deux hommes vont se lier et vivre une histoire intense jonchée de rebondissements tenant souvent aux caractères et attitudes des personnages.
André Aciman a construit son roman autour du personnage d’Elio. Nous suivons ainsi l’histoire du point de vue du jeune homme. Après avoir tourné la dernière page de l’ouvrage, le lecteur comprend aisément ce choix. En faisant d’Elio le narrateur, l’auteur parvient à nous plonger dans les sentiments de ce personnage. L’on peut ainsi observer son évolution et le voir gagner en maturité au fil du récit. Cette évolution, qui s'inscrit dans le cadre d'une histoire d’amour, nous permet de distinguer plusieurs étapes de la vie d’Elio. Ces dernières sont brillamment explicitées dans les quatre grandes parties du roman. De cette construction ressort la profonde humanité d'Elio qui, dans un premier temps se découvre, est pris de nombreux doutes, se montre capricieux et semble profondément jeune. Puis il mûrit et est en mesure d’analyser avec mélancolie l’histoire d’amour qu’il a vécue. Ce schéma constructif basé sur le point de vue d’Elio met en évidence sa fragilité mais aussi et surtout l'évolution de sa personnalité. Plus encore, il traduit le sentiment amoureux de sa naissance à son extinction ou, au contraire, à sa subsistance malgré le poids du temps.
Plus qu’une simple idylle, Appelle-moi par ton nom est un roman sur le désir. A travers l’évolution du personnage, l’on perçoit une transformation de ce sentiment. Les envies d’Elio prennent le pas sur les autres pans de sa vie. Il pense Oliver, s’endort Oliver, rêve Oliver. En bref, il vit Oliver. Si le désir va être affecté par des rebondissements inhérents aux comportements des personnages, il subsiste et grandit tout au long du récit. L’on pourrait alors croire qu’une fois l’objet désiré découvert, la déception prendrait le pas sur l'euphorie. Néanmoins, malgré les doutes auxquels font face les personnages, ce désir survit et augmente devenant ainsi l'élément central du livre.
Si cette chronique est centrée sur Elio, il est nécessaire de dire quelques mots sur les autres personnages. Tout d’abord Oliver qui apparaît être le gage de maturité de l’histoire. En effet, contrairement à Elio, il a de l’expérience et son attitude dénote souvent de celle du jeune homme. Étant « l’objet » du désir, le rôle d'Oliver est essentiel puisque l’auteur le décrit et le sonde à travers le prisme du narrateur. D’autres personnages vont accompagner Elio dans la découverte de son être en lui permettant de vivre de nouvelles expériences – amoureuses, sexuelles, intellectuelles etc. –. Enfin, l’Italie tient une place centrale au sein du récit. André Aciman en fait une merveilleuse description et permet au lecteur d’être transporté sur la Riviera et de vivre la dolce vita aux côtés des personnages. La douceur estivale régnant en Ligurie y est parfaitement retranscrite et donne envie de se balader dans les rues de Sanremo, de Gênes, de Portofino ou d'Imperia. Ainsi, le livre peut-être lu comme une ode à l'Italie dont l'auteur est, en partie, originaire.
Récit poignant et émouvant malgré quelques longueurs dans la troisième partie, Appelle-moi par ton nom mérite d’être lu et d'être vu. Si le film retranscrit parfaitement l’ambiance du livre, l'expérience littéraire reste indispensable. La complémentarité de ces deux œuvres est criante. Que l'on ait vu le film ou lu le livre, il faut les mettre en relation pour mieux les comprendre. Pour finir avec une dernière référence à Appelle-moi par ton nom, il ne me reste plus qu’à vous dire À plus – Later – !
Raphaël